Réveil matinal. Un vent sablé et frais pénètre ma chambre. En bas, c'est ruelle de western version désolation. Tous les immeubles sont en chantiers, en travaux permanents. Une histoire de taxe à ne pas payer si l'on fait des modifications chez soi, à ce qu'il paraît. Avec le sable qui déborde des maisons et tournoie par déraison, le quartier a des allures de ville fantôme.
Bou débarque dans la chambre.
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T'es prêt pour aller courir ?
Comme prévu, il n'est pas huit heures et nous voilà déjà sur la plage à prendre un bon coup de fouet dans l'air vivifiant et salé de la mer. Quelle réjouissance que de se retrouver à courir ainsi, sans penser à rien d'autre qu'à fixer l'horizon. Une brume voilée vient ajouter au mystique de la scène et finit de me faire oublier que je suis au Sénégal.
Le regard des gens, cependant, me ramène à la réalité. Un blanc qui court sur la plage de Yoff, peu touristique à cette époque, les surprend. Tous sportifs et longilignes, les Sénégalais que je croise sont impressionnants. Ils ont vraiment une fière allure. J'ai l'impression que Bou est le seul petit Sénégalais. Plus petit encore que moi qui ne suis pas bien grand, notre duo attire les regards.
C'est en tous cas un moment de calme et de sérénité. Nos discussions parlent de tout et de rien. De la France et du Sénégal, essentiellement. Comment pourrait-il en être autrement alors que j'arrive tout juste ? Ce n'est pourtant pas de différences qu'il est question. Nous racontons chacun des aspects de notre quotidien à la demande de l'autre. Sans chercher à démystifier le rapport à l'étranger. Une réelle complicité, toute de retenue, se noue doucement entre Bou et moi.
Après le petit déjeuner, je m'attèle à l'écriture de mon carnet de voyage. Écriture obligée mais non forcée. Elle est en effet indispensable pour moi. Je ressens ce besoin de tout retranscrire par écrit dès que j'ai un moment libre. Je ne veux rien perdre et n'éprouve pour le moment aucun syndrome stendhalien. Le « trop occupé à vivre pour écrire » sera certainement bientôt de rigueur mais je me soumets pour le moment avec plaisir à cette tâche quotidienne qui me permet de me retrouver avec moi-même. Seul dans ma chambre, la porte donnant accès au balcon perpétuellement ouverte fait onduler ma moustiquaire tout juste fixée. C'est assurément des instants parmi les plus agréables que je vivrais ici à écrire sur mon lit.
Une voix me tire de ma rêverie.
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Bouuuuu !
Pas de réponse.
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Bouuuuu !
Cette fois, Bou a entendu l'appel et sort en courant de la salle de bains, demandant ce qu'on lui veut. Mais aucun de nous ne l'a interpellé. La voix, en réalité, était celle d'une chèvre, dans la rue voisine, qui proposait des variantes de son répertoire habituel. Nous explosons tous de rire et charrions Bou. L'affaire de la chèvre qui dit « Bou » nous fera la journée. L'anecdote est aussi croustillante que mémorable.
Après l'excellent « firi » d'hier midi, nous dégustons aujourd'hui un « thiou » qu'Awa nous a concocté. Je l'accompagne de mon premier thé sénégalais au bisap. Un régal. Je me suis aussi essayé à faire mon propre thé ce matin. Moins sucré que celui d'Awa, qui fait plutôt du sucre au thé, ce premier essai est une réussite de l'avis de tous. J'ai même réussi à faire la fameuse mousse nécessaire. Tout est une question de temps, là encore. Pas difficile à faire, c'est plus une question de patience et de dose à respecter selon la grosseur des doigts de celui qui prépare le thé. Pour le thé au Bisap, il suffit d'ajouter des fleurs d'hibiscus dans la théière. La règle du jeu est ensuite la même. Mais le goût n'a plus rien à voir. Je pensais même qu'il s'agissait d'un thé aux fruits rouges avant de connaître la recette. La saveur est vraiment forte en bouche et la couleur rosée chimique ne saurait décourager les amateurs du breuvage.
L'autre spécialité que je goûte dans la journée est le café « touba ». C'est un café noir relevé aux clous de girofle. Très fort. Plus aucun rapport avec le goût du café. L'expérience est à renouveler également.
Je me donne pour objectif d'apprendre le plus possible de recettes locales avant de partir. Awa sera là pour m'aider. Échange de bons procédés. La leçon du jour avec elle en alphabétisation concerne les voyelles françaises. Elle les maîtrise rapidement toutes. Majuscules, minuscules, manuscrites ou dactylographiées, elle les repère sur nos supports de cours, les journaux, les affiches sur les murs. Je suis impressionné aussi par le fait qu'elle n'a rien oublié de la leçon de la veille. Même les dictées de syllabes d'aujourd'hui ne l'effraient pas. C'est vraiment très encourageant.
En cette fin d'après-midi, nous partons avec les filles à Parcelles, une petite ville voisine, retrouver Ibou, le petit-ami de Walâya, en pleine répétition d'un spectacle à base de percussions et de danse Africaine. Les rythmes saccadés des danseuses se désarticulant à chaque mouvement de pied, de bras ou de tête s'accordent en énergie bouillonnante avec le tempo imposé. Des coups de sifflets viennent marquer le temps davantage encore et indiquent les entrées et changements de tableaux.
Je pensais la danse africaine comme une incroyable improvisation permanente, je me trouve face à une chorégraphie des plus strictes, même si la répétition est plus que bon enfant. Les danseurs sont tout aussi impressionnants et ponctuent leur prestation de saltos arrières et autres pirouettes de gymnastes. Bluffant.
Je n'en perds pas un morceau et enregistre même quelques prises avec un enregistreur vocal. Si la qualité sonore n'est pas extraordinaire, le souvenir laissé est au rendez-vous.
A deux pas de la répétition, j'assiste bientôt à un match de basket féminin. Puis le terrain est occupé par des jeunes sénégalais qui ne s'attendaient certainement pas à voir s'incruster un français en claquettes, à la nuit tombante. Tous s'inquiètent de me voir tomber et sont aux petits soins pour le joker de dernière minute. Le terrain est parsemé de trous, presque des nids de poules à ce niveau là, et il est difficile, voire impossible, de dribbler correctement. Malgré cela, les sensations sont au rendez-vous et l'ambiance se détend vite entre Français et Sénégalais. On joue même un long moment avant qu'on ne voit vraiment plus rien et que les autres viennent me chercher pour retourner à l'appartement. En théorie, nous devons nous pressés. Nous nous rendons à Dakar pour voir un concert au Pan'Art.
Deux heures plus tard au moins, après avoir cuisiné, dîné et pris le thé comme il le faut, après même avoir vu danser les filles sur le rythme d'un djembe accaparé par Ibou, que j'accompagne tant bien que mal avec une percu-bidon, nous prenons la direction de la capitale. La soirée doit débuter vers vingt-deux heures au Pan'Art. Arrivant vers vingt-trois heures, nous tombons sur une salle vide. Le concert ne commence finalement qu'après minuit et demi. À la sénégalaise...
Mon premier concert à Dakar sonne très reggae. Les Dii Yoon Reggae de la jeune scène dakaroise sont à l'honneur bien que Martin Chaplin, un peu le maître des lieux aux allures très old school, ne leur volent la vedette à coup de « Jah » et autres « Rastafarai » à répéter à tue-tête. Entre vrais rastas sur scène et faux rastas bourrés qui se trémoussent lamentablement dans la salle en essayant de séduire toutes les blanches de passage à coup de genoux posés au sol et de déclaration éméchées, la soirée a quelque chose de spécial, très décalé. J'en profite pour faire un peu plus la connaissance d'Antoine, le petit-ami de Fiona et de Khaba, celui de Roxane. Je m'installe ainsi toujours un peu plus dans mon quotidien sénégalais, comblant peu à peu le retard que j'ai pris sur les autres, arrivés un mois plus tôt.
Le concert s'achève et nous voilà à la recherche d'un taxi pour Yoff. Lest trois heures d matin sont passées depuis longtemps et je dois me lever tôt pour aller sur internet demain matin. Le temps passe de plus en plus vite ici.
si tu te fais des potes percussionnistes demande leur des tuyaux pour ramener un bête de djembe pour ta petite chérie et pour mettre dans notre future beau appart :)
RépondreSupprimerje pense à toi, continue d'écrire tu le fais mieux que personne.
je t'aime