jeudi 5 mars 2009

Réserve africaine

 

Week-end oblige, nous tentons de sortir de la presqu'île du Cap Vert où se trouve Yoff et Dakar. Avec Walâya, Fiona et Antoine, nous nous lançons à la conquête de la réserve de Bandia, à l'intérieur des terres, sur la petite côte.

Levé à l'aube pour me jeter dans des transports en communs surchargés devient une habitude pour moi un peu partout dans le monde. Les odeurs, la chaleur et les décibels grésillantes d'une vieille radio font partie du décor. Ce qui l'est moins, ce sont ces forêts de baobabs à gauche et à droite qui me font vite oublier les marchands ambulants et la circulation lamentable sur des routes ou des pistes qui ne le sont pas moins. Cet arbre est absolument extraordinaire. Les racines sont à la fois dans le sol et dans le ciel. C'est le relais parfait entre l'humain et le divin sur ces terres si pieuses.

En mode touristes, sur notre toit de 4x4 équipé de bancs d'observation, nous ne perdons rien du spectacle qui s'offre à nous dans la réserve que nous gagnons bientôt – c'est à dire après presque trois heures de route pour faire 65km. Notre guide parle à ses collègues dispersés dans toute la réserve, qui mesure 1 500 ha, afin de se donner mutuellement les positions des animaux. Le système mis en place fonctionne à merveille puisque nous ne tardons jamais à rencontrer sur notre route toute la faune attendue.

À peine entrés dans la savane, nous sommes salués par un couple de phacochères en pleine dégustation puis par un couple d'autruches. Le mâle noir et la femelle grise viennent tordre leur cou devant nous dans un ballet désarticulé. Non loin de là c'est une vieille girafe qui prend la pose devant nos objectifs gourmands. C'est un mâle isolé, trop faible pour rester dans le groupe, qui a été chassé par les plus jeunes. On peut savoir qu'il est vieux à sa couleur. Plus les taches sont foncées, plus le mâle est âgé. Celui-ci est donc particulièrement vieux, dans la fin de sa vie de girafe qui s'achève en général vers les vingt-huit ans. Le guide et moi-même somment proches de la fin, que cela soit dit...

Après avoir bien mitraillé la vieille girafe de la zone protégée, nous sommes à nouveau plongés dans des forêts de baobabs que j'admire de plus en plus. Je trouve vraiment cet arbre fascinant. Pas étonnant qu'il soit devenu l'emblème du pays. Le reste de la flore ici est essentiellement composé d'acacias au bois rouge dans lesquels vivent des dizaine d'espèces d'oiseaux à faire saliver les amateurs d'ornithologie. Leurs couleurs resplendissent sous un soleil qui tape de plus en plus fort. Lorsqu'ils s'envolent, il n'y a même plus de mots pour décrire la légèreté de leur allure fière.

Devant nous, le troupeau de girafes du site prend, lui aussi, son repas. Le dernier-né, un girafon de quatorze mois, se cache derrière de minuscules branchages en pensant être bien dissimulé. Sans doute la cohabitation avec les autruches lui a fait acquérir ce genre de techniques un peu stupides. Sa mère veille, de toutes façons, non loin de lui. Avec ses animaux pacifiques, pas de problèmes en perspective. Aussi, nous sautons du 4x4 pour aller marcher parmi les girafes : un grand moment pour moi.

Plus loin, je découvre des antilopes-cheval, des impalas, des élans. Tous sont difficiles à approcher et fuient devant les engins motorisés. Nous les dérangeons pendant leur sieste, la plupart du temps, ce qui ne semble pas être du goût de tout le monde. Les troupeaux se réveillent et partent en quelques séries de bonds élégants pour regagner d'autre ombrages plus tranquilles.

D'autres animaux ne sont pas aussi inquiets à notre approche. Les buffles sauvages restent ainsi bien sagement assis à l'ombre des arbres en nous regardant d'un air bovin qui n'appartient qu'à eux. Trop de poids à déplacer pour si peu de choses, semblent-ils se dire, alors peu importe le dérangement. De même, le couple de rhinocéros du parc se laisse approcher de très près, trois quatre mètres à pieds, pendant sa sieste que rien ne semble pouvoir perturber. Ces animaux ne sont pourtant pas aussi sympathiques qu'ils en ont l'air et notre guide tient à nous maintenir à distance alors que nous sommes prêts à venir le taquiner de nos objectifs toujours à l'affut.

Après avoir rencontré une nouvelle famille d'autruches avec sa dizaine de bambins accrochés à leur mère, nous allons observer un baobab millénaire. L'arbre au tronc creux a servi comme lieu d'enfouissement pour des ossements de griots, les conteurs du Sénégal. Un proverbe dit que lorsqu'un griot meure, c'est une bibliothèque qui brule. Ce sont en effet eux qui sont chargés de raconter les histoires à toutes les jeunes générations et leur mémoire est supposée être extraordinaire grande et diversifiée. Deux crânes et des os en pagaille sont disposés au centre du baobab, devenu lieu de culte et de cérémonie par la force des choses.

Pour achever notre visite qui prendra presque trois heures, nous rendons visite à de vieilles tortues géantes de terre, des crocodiles, des aigrettes, des varans et des singes qui jouent à cache-cache avec nous. Tout ce petit peuple est ici chez lui, dans la réserve de Bandia qui n'est pourtant pas très ancienne. Elle n'est pas très grande non plus en comparaison des grandes réserves du sud-est du pays. Elle est néanmoins fabuleuse de richesse et de diversité. Elle demeurera en tous cas pour moi ma première réserve africaine et cela suffit pour trôner au panthéon de ma mémoire de voyageur.

En fin de journée, nous mettons le cap sur Toubab Dialaw. Petit village de pêcheurs le long de la petite côte, Toubab Dialaw est un lieu connu pour sa richesse artistique. Mais plus encore que les constructions humaines (sculptures, maisons en coquillages...), ce sont les roches colorées qui me frappent tout au long de la plage qui mène au village voisin de Yène. Les roches sont rouges. Elles sont jaunes. Elle sont violettes. Elles sont surtout naturelles et parfaites. Ici un cœur d'une dizaine de mètres de haut, couleur de soleil, vient s'incruster dans une terre ocre. Les pieds dans l'océan atlantique, je contemple, émerveillé, ce paysage fantastique.

La nuit ne tarde pas à tomber et nous reprenons la route de la capitale. Dans le N'Diaga N'Diaye qui nous conduit à Patte d'oie, sorte de carrefour géant et multidirectionnel sur la presqu'île du Cap Vert, je fais la connaissance de Souleymane, un jeune Sénégalais qui revient tout juste de France. Il a fait ses études en Sorbonne comme moi, dans un programme d'échanges entre les deux pays. Il connait bien les Yvelines et nous évoquons certains souvenirs communs. Aujourd'hui, avec ses diplômes de finances, il travaille à Dakar pour le centre national de statistiques et donne quelques fois des cours en université. Je lui parle rapidement de projet de notre association en espérant le revoir bientôt à Yoff. C'est ainsi que les rencontres fortuites peuvent faire avancer les choses dans ce pays. Inch'allah.

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