Mercredi, c'est le jour du cours d'expression orale pour nos étudiants de la formation À Suivre. À l'ordre du jour, des exposés qui touchent des sujets variés et profondément sujets à débats au cœur de la société traditionnelle sénégalaise.
Khoudia et Ibrahima – nous en avons trois dans la promotion 2009 – nous évoquent les Arts au Sénégal. L'accent est fortement mis sur la danse et le théâtre. Historique, mise en perspective, regard critique, ils se débrouillent pas trop mal pour des jeunes qui n'ont pas l'habitude de prendre la parole en public. J'aurais souhaité en savoir davantage sur la littérature, la peinture, la sculpture ou même la musique : ce n'est que partie remise.
Maguette et Chekh Tidiene abordent ensuite un exposé bien plus enclin à créer la polémique dans le groupe : les confréries. Les deux étudiants nous proposent un panorama des quatre grandes confréries ici : les Layènes, les Khadres, les Mourides et les Tidjanes qui couvrent la majorité des Sénégalais appartenant à une confrérie. Je ne chercherai pas à expliquer en détails les apports ou les origines de chacune d'entre elles pour la simple et bonne raison que personne n'est d'accord dans la salle, de même que personne n'est d'accord sur internet tant les divergences sont grandes d'un site à l'autre. Chacun voit sa confrérie comme la plus ancienne, la plus directement liée au prophète, à tel point que ça e devient drôle. Il faut néanmoins mettre un terme à l'agitation de la classe prête à s'étriper pour cause de négationnisme aggravé.
Marème s'attaque bientôt à un gros morceau : l'île de Gorée. J'en ai déjà beaucoup lu dans les livres mais l'avis d'une jeune Sénégalaise m'intéresse plus encore. C'est cette île qu'on appelle « île aux esclaves » et qui était au cœur de la traite négrière du temps des colonies. Ça m'intéresse de savoir ce qu'elle pense des blancs qui ont fait le commerce de noirs mais plus encore ce qu'il lui semble des noirs qui en faisait autant avec ses semblables. Au final, l'étudiante se limite à un survol de généralités, ni approfondies, ni maîtrisés, et je reste sur ma faim.
Diariatou et Thiane vont ensuite aborder l'agriculture. Avec elles, on touche à l'environnement. Les deux Sénégalaises semblent bien au fait des lacunes de leur pays dans ce domaine. La classe entière souhaiterait que le gouvernement investisse plus dans l'irrigation, la collecte de l'eau et d'autres systèmes avant de se raviser, presque abattus, en disant que le pays n'a pas l'argent de tout payer ou que ce n'est pas à lui de tout faire. Le constat est lucide mais parfois défaitiste et relève parfois d'une manière de penser collective ici. De même qu'en politique, les jeunes voudraient changer les choses, mais par faute de leaders d'opinion, ils se résignent rapidement.
Le dernier exposé, celui de Khokhaya n'est qu'une vaste fumisterie. Le portrait d'un chanteur sud-africain est tissé d'erreurs du début à la fin. Seule la tchatche de l'étudiante nous ferait presque oublier qu'elle n'a juste pas travaillé.
Peu à peu j'apprends à les connaître tous. Ce n'est pas évident pour moi qui arrive un mois après le début de la session. Il n'est pas juste question de savoir comment ils s'appellent mais plutôt d'apprendre à les aborder pour optimiser une dynamique de groupe qu'on crée au départ d'une formation. Quand je suis arrivé, ils avaient déjà leur rythme bien installé. Pas forcément toujours celui que j'aurais aimé instauré avec eux si j'avais été là dès le départ mais ainsi en va-t-il de ma mission yoffoise.
Si les cours ont bien débuté depuis plusieurs semaines, ce n'est qu'aujourd'hui qu'a lieu la cérémonie d'ouverture avec les représentants religieux de la localité, ceux de l'APECSY (association pour la promotion économique, culturelle et sociale de la ville de Yoff) et ceux du PDEF (programme de développement de l'enfant et de la famille). La télévision est aussi de la partie et nous voilà en train de poser dans nos beaux habits du dimanche pour donner une image bon enfant de notre coopération franco-sénégalaise.
Cette cérémonie aurait dû précéder l'ensemble de la formation mais il n'en va pas toujours comme on le veut ici au Sénégal. Le représentant de l'Apecsy, par exemple, en sa qualité de vice-président de l'association, vient d'être prévenu et débarque quant à lui en jogging du dimanche. Si la cérémonie est brève, elle est ponctuée de prière et de demandes de bienveillance de la part de Dieu pour qu'il nous accompagne durant notre formation. Les jeunes sont aussi présents dans le fond de la salle et se font sermonner pour qu'ils suivent tous les cours, soient ponctuels assidus. Comme nous avons plus d'un tour dans notre sac, nous en profitons pour leur faire signer une lettre d'engagement qui met leur honneur en jeu auprès de nous. Libasse, sans doute le meilleur élément de la promotion, prend la parole au nom du groupe et assure vouloir remplacer cet engagement personnel par un engagement oral collectif. Si le geste est beau et la coutume respectée pour ici, nous demeurons une association française et insistons pour ajouter leur engagement au nôtre. Deux suretés valent mieux qu'une.
Le pot de clôture est annoncé. La secrétaire arrive avec un plateau remplis de cannettes de coca, fanta et sprite... nous sommes les bienvenus à l'heure de la mondialisation made in America. Une photo de promotion pour symboliser l'ouverture de la session 2009 et nous voilà lancés dans notre mission avec l'aval de toutes les autorités possibles et imaginables. Pourvu que cela dure...
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